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Avis de lecture // Charlotte Nicole Davis – Les Filles de la chance

Couverture du livre Les Filles de la chance de Charlotte Nicole Davis

Présentation générale

Charlotte Nicole Davis – Les Filles de la chance (Titre original : The Good Luck Girls, 2019), Albin Michel, 2021, 433 p. 

ISBN: 978 2 226 43507 1
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Julie Lopez
Genre : Western, Merveilleux
Thématiques abordées : Colonisation et privilège de classe et de genre. Violences sexistes et sexuelles, traumatismes. Sororité. Lesbianisme.
Public / Pour : Lycée / Supérieur
Notes / CW / TW : Racisme, Violences, Viol, Torture, Meurtre, Addiction, Traumatisme et stress post-traumatique, Violences faites aux femmes

Bref résumé (sans spoiler) :

Dans le pays d’Arketta, la population est divisée entre deux catégories par le Règlement des comptes : les Sangs de poussière, reconnaissables à leur absence d’ombre, et les Sangs purs. 

Et puis il y a les Filles de la chance, vendues par leurs familles aux maisons d’hospitalité dans lesquelles elles sont employées à distraire et satisfaire les clients Sangs purs, appelés des « bluffeurs ». Le tout sous le contrôle des Dévoreurs, autrefois humains dont l’âme appartient désormais aux ténèbres.

Clémentine vient d’avoir 16 ans et cela signifie qu’elle va enfin commencer le travail du Crépuscule, comme sa grande sœur Aster. Mais cette première nuit ne va pas se passer comme prévue et, lorsqu’un bluffeur meurt ce soir-là, Clémentine, Aster et leurs amies Chanceuses n’ont pas d’autre choix que de fuir.

Commence alors un périple aussi dangereux qu’éprouvant, à travers les terres arides d’Arketta, remplies de Vengeants, les esprits torturés des morts de la Brèche.

L’Avis et l’Analyse Queer Education (avec spoilers)

Les Filles de la chance est à l’intersection entre le Western et le Road movie, le tout sous un éclairage féministe, anti-raciste et empreint d’une véritable réflexion sur la justice sociale dans un pays colonial et capitaliste.

Dans cet univers merveilleux – mais éminemment sombre – il est question d’une société ségréguée entre dominant•es (les Sangs purs, propriétaires terriens sans scrupule, blanc•hes) et dominé•es (les Sangs de poussière, colonisé•es et réduit•es en quasi-esclavage, racisé•es) par le Règlement des comptes qui n’est autre qu’un texte de loi coloniale et foncièrement discriminant. Les Sangs de poussière, libéré•es par les propriétaires terriens du joug de l’ancien Empire, sont déclaré•es redevables envers leurs libérateur•ices Sangs purs. Iels sont alors condamné•es à travailler pour rembourser cette dette exorbitante. On ne peut que penser aux politiques racistes actuelles et aux discours culpabilisants qui visent les populations racisées en Occident.

Les familles les plus pauvres doivent bien souvent vendre leurs enfants au service des Sangs purs. Les filles, en particulier, sont placées dans des Maisons d’hospitalité en échange de la promesse d’une vie plus confortable. La réalité est beaucoup plus sombre. Ces maisons se révèlent être des lieux de prostitution forcée, dans lesquelles les petites filles sont retenues prisonnières grâce à l’addiction au Chardon sucré mais surtout à l’apposition d’une marque ensorcelée – une Faveur – qui les identifie comme propriété de la Maison d’hospitalité et surtout, les rend détectables par les Dévoreurs. Là encore, le parallèle avec des pratiques réelles est évident.

Clémentine quitte les jeunes filles chargées des tâches ménagères pour s’installer dans sa propre chambre et commencer le travail du Crépuscule. Cependant la soirée ne se passe pas comme prévu et, alors que Clémentine accueille son premier client, le fils aîné de la plus puissante famille de propriétaires terriens, elle le tue. Aidée de sa sœur, de ses deux meilleures amies Tanaisie et Mauve, ainsi que de l’hautaine Violette, Clémentine s’enfuit de la Maison d’hospitalité.

Pour survivre, Aster, Clémentine, Tanaisie, Mauve et Violette doivent faire preuve d’une sororité à toute épreuve, entre traumatismes et amours naissants. Dans leur fuite à travers la Brèche, à la recherche de la mystérieuse Lady Fantôme qui pourra retirer leur Faveur, elles croisent le chemin de Zee, un éclaireur dont l’aide sera précieuse.

Elles découvrent alors tout un réseau de résistance qui aide les Sangs de poussière à fuir le joug des Sangs purs et décident, à leur tour, de s’y engager. On peut rapprocher ce réseau de l’Underground Railroad mené notamment par la militante anti-esclavagiste Harriet Tubman aux Etats-Unis, qui a permis à de nombreux•ses esclaves en fuite de rejoindre les états du Nord ayant prohibé l’esclavage.

Plus que le récit d’une fuite, Les Filles de la chance est une réécriture intelligente et passionnante du passé colonial des grandes puissances occidentales et, notamment, de la création des Etats-Unis. À travers le voyage des protagonistes, Charlotte Nicole Davis donne à voir les mécanismes du racisme, de la misogynie, du classisme et les conséquences systémiques d’un capitalisme colonial, destructeur et prédateur. C’est aussi le récit des effets de ces oppressions ainsi qu’un réel aperçu des conséquences des violences sexuelles, bien loin de la glorification de la résilience néo-libérale qui prétend surmonter les traumatismes et en éviter les dommages dans une perspective de productivité sans fin. Le récit d’une survie coûteuse mais nécessaire, qui fait des Filles de la chance un exemple de ce que sont aujourd’hui les survivant•es.

Exploitations éducatives et/ou pédagogiques possibles :

  • Pour les professionnel·les

Indispensable dans un CDI mais avec, si possible, un TW concernant les violences sexuelles.

Ce roman se prête aussi très bien à la réalisation d’une chronique (booktube), grâce à une narration efficace et bien rythmée.

  • médiation possible
  • Étude du personnage d’Aster et de son évolution au fil du récit. Une sélection de quelques passages pour proposer une réflexion sur les réécritures uchroniques / dystopiques de l’Histoire occidentale.
  • Peut être valorisé dans des tables thématiques autour de l’anti-racisme.       
  • pour les personnes voulant s’adresser à un·e jeune proche (famille…)
       
    • prescription :     À proposer à un•e adolescent•e se questionnant sur les rapports de la pouvoir entre classes sociales et la création d’inégalités systémiques. Ce livre n’est pas réservé aux personnes racisées et se révèle particulièrement efficace pour comprendre les mécanismes de la colonisation et du capitalisme.

Prévoir d’être présent•e pour éventuellement discuter des violences sexuelles vécues par certain•es protagonistes et la représentation de leurs traumatismes.

Avis des contributeur·ices

Par : Cha /iel

Avis personnel :

Un livre difficile à lâcher. On se laisse facilement happer par la magie sombre d’Arketta, pour suivre ces Filles de la chance en fuite, sans jamais tomber dans le pathos ou la romanticisation de la souffrance. Grand coup de cœur pour la romance saphique entre Tanaisie et Mauve, qui nous sert une représentation de Butch bienvenue dans ce Western !Un récit intelligent et prenant qui continue dans un second tome : LaVengeance des sœurs (dans lequel les histoires saphiques continuent et arrive la présence tant attendue d’un personnage transféminin).

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