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Podcast Camille : « À l’école, être hétéro ou ne pas être »

Référence bibliographique :

Regache C. (2021, Octobre) « À l’école, être hétéro ou ne pas être » (#03) [Audio podcast épisode] in Camille. Binge Audio.

Type : podcast

Accéder à l’épisode sur le site de Binge Audio

Courte présentation de l’auteur·ice :

Camille Regache est journaliste et cheffe d’édition chez Binge Audio où elle anime aussi le podcast Camille. Elle y traite des différentes problématiques liées aux questions d’identité LGBTQIA+.

Résumé :

Dans cet épisode, Camille Regache reçoit Gabrielle Richard, sociologue du genre et autrice de Hétéro, l’école ? Plaidoyer pour une éducation antioppressive à la sexualité (éd. les éditions du remue ménage, 2019) pour interroger l’hétéronormativité du système éducatif, notamment au collège et au lycée.

L’épisode commence par une réflexion sur la binarité du milieu scolaire, en interrogeant l’apparente mixité des établissements. Si, aujourd’hui, filles et garçons fréquentent les mêmes établissements, Gabrielle Richard fait remarquer que des espaces genrés subsistent, par exemple les WC et les vestiaires. La séparation des corps se fait sur la base du sexe assigné à la naissance et part du principe que les élèves ressentent nécessairement une attirance  hétérosexuelle. Il s’agit donc d’éviter le rapprochement des corps pour protéger les filles, perçues comme source de déconcentration pour les garçons adolescents. 

Cette distinction est aussi visible à travers les normes vestimentaires qui servent là encore à protéger et policer les corps des filles. Ainsi, celles-ci sont systématiquement mises à l’écart alors qu’il s’agirait plutôt, selon Gabrielle Richard, d’éduquer les garçons. La légitimité de ces espaces différenciés et de ces normes vestimentaires est notamment remise en cause lors de l’accueil d’élèves trans. Pourtant, à la connaissance de Camille Regache et Gabrielle Richard, aucun règlement intérieur en France ou au Québec n’interdit explicitement le port de la jupe pour les élèves assignés garçons, par exemple. Cette norme vestimentaire est davantage posée et renforcée par les pairs et le personnel éducatif – ce que Gabrielle Richard appelle la « police du genre ».

Ensuite, l’épisode aborde la socialisation des élèves dans un système éducatif binaire et hétéronormé. Gabrielle Richard explique que les élèves sont amenés à performer l’hétérosexualité de façon différente selon leur sexe assigné. D’un côté, les filles prouvent leur hétérosexualité par le biais de rumeurs et de discours qui les mettent en scène et les valorisent afin de s’assurer une place dans le groupe. Il s’agit aussi pour elles d’attirer le regard des garçons à travers leurs choix vestimentaires et le maquillage. De l’autre côté, les garçons affirment leur appartenance à la norme hétérosexuelle à travers la mise en scène de leur accès à la sexualité et au corps des filles ou par la mise en couple. Ainsi, la performance de l’hétérosexualité est un moyen d’intégrer le groupe afin de s’assurer une place dans la hiérarchie sociale adolescente. Gabrielle Richard ajoute que l’hétérosexualité est l’une des conditions d’accès à la popularité, ce qui met automatiquement à l’écart les élèves qui refusent ou n’entrent pas dans cette norme. De fait, les élèves LGBTQIA+ sont privé·e·s d’une part de la socialisation adolescente, ce qui accentue leur invisibilisation.

Les programmes scolaires participent aussi à cette invisibilisation en présentant de façon quasi-systématique des modèles cis-hétéronormés. De plus, lorsque l’homosexualité y est mentionnée, elle est généralement placée à la marge du discours éducatif. Par exemple, dans un manuel de biologie (SVT) traitant de la reproduction humaine, le cours présente une mise en relation hétérosexuelle et propose un encart précisant que cette mise en relation est aussi possible entre deux personnes de même sexe. Face à cette mise à l’écart graphique, l’élève LGBTQIA+ comprend que son identité est moins valide et légitime que celle de ses camarades cis-hétérosexuel·le·s.

Gabrielle Richard observe aussi que l’homosexualité est souvent abordée sous le prisme de la victimation ou du risque sanitaire. Ce qui participe à en donner une image négative et repoussante aux élèves.

Lors des interventions d’éducation à la sexualité en milieu scolaire, dispensées tant par les enseignant·e·s de biologie ou les associations de prévention, le fait de présupposer que la  majorité des élèves est hétérosexuelle constitue un frein à leur construction identitaire, quelle que soit leur identité de genre et leur orientation. Si ce choix s’explique par le peu d’heures disponibles pour parler d’éducation à la sexualité, Gabrielle Richard démontre que l’hétéronormativité des contenus de ces interventions véhicule trois messages sur la sexualité :

  1. les corps sont fondamentalement binaires ;
  2. cette binarité implique un comportement et des préférences différentes selon les “sexes” ;
  3. l’hétérosexualité est le système de mise en relation privilégié pour une socialisation réussie.

Ce carcan rigide qui insiste sur la centralité de la pénétration pénis/vagin renforce l’idée d’une complémentarité des « sexes » délétère tant pour les élèves LGBTQIA+ que les autres en empêchant toute tentative de jeu avec leur identité. Cette sexualité concentrée sur l’aspect biologique et non social devient un terrain miné et une source de dangers.

Comment échapper à ce discours hétéronormé dans le cadre de l’éducation à la sexualité ?

Selon Gabrielle Richard, il s’agirait d’abord d’interroger le langage utilisé lors de ces interventions, notamment en mentionnant les organes génitaux sans les associer à un genre ou encore en utilisant un vocabulaire moins binaire pour décrire les types de relations. Elle donne l’exemple du mot « partenaire » qui peut être décliné au masculin, au féminin et au pluriel.

Enfin, si la légitimité de l’École à parler de sexualité se pose souvent, elle est encore moins évidente lorsqu’il s’agit d’aborder la question de l’homosexualité adolescente. En effet, celle-ci est perçue comme une phase menant inéluctablement à une mise en couple hétérosexuelle une fois l’âge adulte atteint, la possibilité d’expérimenter son genre et son orientation est réduite pour touxstes les élèves. Comme le rappelle Gabrielle Richard, voir les questionnements identitaires comme une phase revient à nier la fluidité du genre et de l’orientation tout au long de la vie.

Elle note aussi la frilosité des adultes – personnels éducatifs et parents – à aborder la question de l’homosexualité car celle-ci serait nécessairement sexuelle. En effet, dans l’imaginaire collectif, homosexualité rime presque automatiquement avec sodomie. Or, Gabrielle Richard explique qu’il est tout à fait possible de parler d’orientations sexuelles sans parler nécessairement d’acte sexuel et ce dès le plus jeune âge grâce par exemple, à des albums jeunesse présentant des familles homoparentales ou des relations amoureuses non hétérosexuelles.

Face au besoin d’information des adolescent·e·s, les parents restent bien souvent dans leur zone de confort et, de ce fait, renforcent la norme cis-hétérosexuelle car elle correspond à ce qu’iels connaissent et appliquent au quotidien. C’est pourquoi l’École doit présenter un contre-discours, dans lequel elle fait apparaître d’autres possibilités identitaires et de mise en relation. Sans compter que ce contre-discours est déjà accessible et consulté par les élèves, via des séries comme Sex Education sur la plateforme Netflix ou des comptes pédagogiques sur Instagram et TikTok.

Afin d’accompagner cette recherche d’information, Gabrielle Richard donne quelques pistes pour se former, par exemple le site svt-egalite.fr ou les vidéos YouTube de SexySouciS. Elle termine en conseillant une attitude critique au quotidien face aux objets culturels vus avec l’enfant, en interrogeant par exemple les stéréotypes de genre présentés dans un livre ou un film. Sans parler directement d’homosexualité, cette attitude critique permet déjà d’ouvrir le dialogue et de déconstruire l’hétéronormativité.

Intérêt pédagogique :

Facile à consulter grâce à son format audio et conversationnel, il est un très bon complément à la lecture de l’essai Hétéro, l’école ? Plaidoyer pour une éducation anti-oppressive à la sexualité par la sociologue de genre Gabrielle Richard, interrogée dans ce podcast. 

Une utilisation intégrale en classe semble difficile néanmoins ce podcast peut être proposé à l’écoute, en complément d’une intervention en milieu scolaire d’éducation à la sexualité avec la possibilité de poser des questions ensuite. 

Ou bien pourquoi pas, sélectionner un passage parlant des normes vestimentaires liées aux stéréotypes de genre à insérer dans un groupement de textes sur la construction de l’identité ou sur ces stéréotypes pour amener les élèves à se questionner sur les implicites sociaux liés aux vêtements.

Rédacteur·ice : Cha (elle/iel)

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